Dans "L'EMERGENCE POSTURALE EN PSYCHOLOGIE", V.JUST-MAGE
LE CORPS EN SITUATION DE PRESENCE
Selon M.Feldenkrais, la relation du corporel au psychique peut être identifiable par la posture. Une posture juste serait celle qui ne porterait pas atteinte à l'intégrité physique et psychique, c'est à dire une posture adoptée sans effort, sans résistance et réversible. Une posture juste serait celle qui rétablirait au mieux l'homéostasie et l'équilibre psychique. Elle s'apparenterait à l'action, et non au maintien d'une position du corps.
"On associe volontiers une bonne posture avec la notion d'équilibre- c'est à dire d'une certaine sérénité mentale et affective, ce qui n'est pas faux. Nous ne pouvons à la fois être tendus, crispés ou émus et avoir une bonne posture, c'est à dire agir vite sans toutefois se presser. Or, la précipitation entraîne généralement une activité accrue qui provoque une augmentation de la contraction musculaire sans pour autant permettre d'agir plus vite. Avoir une bonne posture signifie utiliser toute l'énergie qui est en nous sans l'encombrer de gestes inutiles."
M.FELDENKRAIS, La puissance du moi.
Une posture normale c'est une absence de contrainte, des rapports harmonieux et donc pas de douleur ni de fatigue. Mais parler de "bonne posture" ou de "mauvaise" posture n' a de sens que si l'on prend en considération le niveau de maturité, la situation de l'individu, ses ressources émotionnelles, et sa condition physique. La posture juste est fonction de la croissance émotionnelle et d'apprentissage, une posture non juste est une position puisqu'elle contraint la fixité autour d'un point de consolidation. Tenir une position entraîne des contractions musculaires importantes, et un surmenage du système nerveux. Les jeunes enfants sont les premières victimes de la position avec le sempiternel : "Tiens toi droit".
"Les mauvaises postures incombent toujours un surcroît d'émotion, comme chaque fois que nous sommes dans l'impossibilité de remédier à un état de tension musculaire(…) elles sont cultivées pendant la période de dépendance, chaque fois que l'on demande l'impossible à un enfant. C'est à dire lorsque celui-ci agit non pas spontanément, mais en faisant un effort sur lui-même."
M.FELDENKRAIS, La puissance du moi.
D.W.WINNICOTT dans le même sens parle de formlessness (être sans forme). C'est bien dans cette aire de formlessness que l'enfant va pouvoir être en bonne posture, se laisser aller comme il le sent, se poser dans la détente avant d'être mis en forme par son entourage.
Mais notre dépendance relationnelle est si grande (au départ avec les parents), que nous nous surpassons souvent pour conserver l'affection, la considération des autres. Il y a des limites au-delà desquelles nous ne pouvons nous permettre de braver la société.
Il est inutile de passer son temps) essayer de se tenir d'une certaine façon, ou de répéter cent fois le même geste. Apprendre n'est pas qu'un exercice purement intellectuel, tout comme l'adresse n'est pas uniquement physique. Il s'agit plutôt de comprendre la relation entre le corps, le psychisme et le milieu, sous forme de sensations qui à force deviennent si précises que nous pouvons presque les décrire comme un langage accessible. C'est ainsi qu'un sportif peut avoir une bonne position mais une mauvaise posture.
C'est H.HERRIGEL, dans son ouvrage sur le tir à l'arc, qui poétise cette notion de posture juste : "Plus obstinément vous persévérez à vouloir apprendre à lâcher la flèche en vue d'atteindre sûrement un objectif, moins vous y réussirez. Ce qui est un obstacle, c'est votre volonté trop tendue vers une fin."
De cela découlent les critères d'observation d'une posture juste.
L'absence d'effort : tout acte bien fait ne nécessite aucun effort. A haut niveau, judoka, danseur(se), cavalier(e), acrobate, yogi(n) nous le montrent. Un souffle court et haletant va de paire avec des résultats médiocres.
L'absence de résistance : le simple fait de penser provoque un phénomène de résistance et entraîne une tension musculaire, comme un surcroît de volonté. Le fait de contracter la mâchoire par exemple est un signe de doute et ne sert à rien, sinon qu'à créer un décalage entre la motivation et le travail des muscles.
La présence de la réversibilité du mouvement juste : c'est la facilité d'interrompre, de recommencer ou d'arrêter le mouvement. Un être humain en bonne santé peut se rendormir rapidement après s'être réveillé, un être mature peut de même interrompre, retarder ou recommencer un rapport sexuel.La réversibilité réclame une alternance des systèmes sympathiques et parasympathiques. Ceci est valable tant au plan physique que psychologique.
La respiration : retenir sa respiration inconsciemment est un signe de mauvaise posture. Beaucoup de gens le font, et leur schéma corporel est tel qu'ils ont besoin avant de parler par exemple, de gonfler la poitrine, de rentrer le ventre.
La plupart du temps, les mouvements courants s'accomplissent tant bien que mal sans y penser, mais quand il s'agit de mouvements extra-ordinaires comme chez les sportifs de haut niveau, ces critères sont d'une importance primordiale.
"La justesse du tir dépend de l'aisance de la détente", "Ne pensez pas à ce que vous avez à faire, ne réfléchissez pas pour savoir comment il faut s'y prendre! Le coup n'a l'aisance requise que lorsqu'il surprend le tireur lui-même."
H.HERRIGEL, Le zen dans l'arc chevaleresque du tir à l'arc
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